Le numérique métamorphose les mobilités

Atlas des Mobilités

Trouver son chemin, utiliser les transports en commun, s’abonner à un service d’autopartage, louer un vélo et sauter dans un train : le smartphone est devenu un outil indispensable pour se déplacer. Le big data révolutionne aussi l’offre de transports.

Voiture autonome

Pour répondre à nos besoins actuels en matière de déplacement, des systèmes de transport complets sont aujourd'hui nécessaires. Le trafic intérieur, en particulier aérien et automobile, est responsable d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre par personne et par kilomètre. Les technologies numériques telles que l'intelligence artificielle (IA) peuvent contribuer à la réduction des émissions néfastes pour le climat, notamment en permettant de réguler et de coordonner les flux du trafic. L’optimisation des itinéraires ou du taux de remplissage des véhicules ou des avions, ou encore l’amélioration du réseau ferroviaire existant font partie des solutions possibles. En raison de leur efficacité énergétique, les véhicules autonomes sont considérés comme particulièrement prometteurs. Les services de navettes autonomes peuvent constituer un complément important au réseau de transport public, surtout dans les zones rurales, par exemple pour les personnes qui ne peuvent plus conduire elles-mêmes leur véhicule. La navette autonome EasyMile imaginée par l’Institut universitaire du cancer de Toulouse et différents projets de bus autonomes à l’étude en Allemagne montrent que le progrès en matière d’automatisation des véhicules avance.

Grâce à l’échange et à l'analyse de données, l'IA permet de réguler le trafic et, ainsi, d'éviter la congestion des villes et de réduire le stress lié aux déplacements, mais aussi de prévenir les accidents. Chaque année, plus de 3 000 personnes meurent sur les routes allemandes, un chiffre qui souligne la dangerosité et l’inefficacité du réseau.

Les données jouent aussi un rôle important dans le déploiement des offres de mobilité, par exemple pour analyser la demande en autopartage dans certains quartiers et à certaines heures et adapter l'offre en conséquence. Les données générées par l'utilisation des différents services de mobilité permettent également de recenser, à moindre coût, les usagers de ces services et d’éviter les erreurs de planification. La collecte à grande échelle de différentes données d'utilisateurs·trices, le fameux big data, était jusqu'à présent l’apanage du secteur privé. Mais collectées par le secteur privé, ces données peuvent servir l'intérêt général. On le voit par exemple à Barcelone, en Catalogne, où les données sur la mobilité des habitants·tes ont permis d'agrandir le réseau de bus de la ville, d'améliorer les infrastructures cyclables et de réduire le trafic automobile dans certains quartiers.

Pistes de solutions digitales pour une mobilité durable
Les solutions de mobilité partagée recèlent un grand potentiel de réduction des besoins de la mobilité motorisée des usagers dans les villes.

Les entreprises qui répondent aux marchés publics sont tenues de rendre publiques les données qu’elles collectent. La France aussi a pris les devants depuis quelques années en ce qui concerne l’utilisation des « données d'intérêt général » : toutes les données créées dans le cadre de marchés publics doivent être mises à la disposition du donneur d'ordre, c'est-à-dire de l'administration. La souveraineté des données des citoyen·nes et l’intérêt général s’en trouvent ainsi renforcés. Parallèlement, le fait que ces données soient disponibles et accessibles permet de proposer de nouvelles offres de mobilité, y compris de créer et d’améliorer les services existants afin de fournir des services publics innovants.

Les solutions de mobilité partagée recèlent un grand potentiel de réduction des besoins de la mobilité motorisée des usagers dans les villes. Le scénario d’un couplage d’une flotte de véhicules partagés au réseau existant des transports collectifs permettrait à une ville comme Lisbonne de voir le taux d’utilisation des voitures particulières de ses habitants tomber à seulement 10 % et de diminuer jusqu'à 80 % le besoin de places de stationnement, a estimé l’OCDE dans une étude. Les habitants pourraient transformer l'espace gagné en espaces verts ou en aires de jeux. Dans le cadre de son projet de réduction des places de stationnement, la mairie de Paris a lancé une enquête en ligne en posant cette question à ses administrés : « Que feriez-vous de 10 m2 en bas de chez vous ? » Objectif : proposer aux Parisien·ne·s d’imaginer leur ville de demain.

La pandémie de coronavirus nous a également amenés à repenser notre mobilité et à envisager sa réduction par le biais de visioconférences, de voyages d'affaires virtuels ou du télétravail. D'autres possibilités s’offrent à nous avec les plateformes « Mobility-as-a-Service » ou MaaS qui proposent une offre de mobilité multimodale simple et flexible sous la forme d’une application. La plateforme berlinoise Jelbi permet ainsi aux utilisateurs·trices de combiner les moyens de transport en un seul trajet, du vélo au scooter électrique en passant par les transports en commun. Le succès de ces modèles pionniers repose sur le partage des données collectées par les entreprises de mobilité partagée.

Mais numérique ne rime pas forcément avec écologique. Les gains d'efficacité induits pas le recours aux services de mobilité partagée peuvent se traduire par des offres d’autopartage ou de services de taxis moins favorables que des alternatives plus respectueuses de l'environnement (transports publics, vélo ou marche). On parle alors d'effet rebond. C'est pourquoi, à Berlin, plusieurs universités se sont réunies dans le cadre du projet AISUM afin de développer une application de mobilité intégrée qui informe ses utilisateurs·trices des coûts environnementaux des différentes options de transport pour leur permettre de faire leur choix en toute connaissance de cause.

Le numérique a tendance à accroître la complexité de l'écosystème des transports. Les urbanistes ont donc souvent recours à des modèles virtuels ou à des répliques d'objets réels utilisant une combinaison de données (les fameux « jumeaux numériques ») qui permettent de modéliser les flux de circulation et les infrastructures de transport d'une ville. Par exemple, une étude de cas a été réalisée à l’aide d’un jumeau numérique de la ville de Herrenberg, près de Stuttgart, pour prévoir l'incidence des modèles et habitudes de déplacement et des conditions météorologiques sur les niveaux d'émissions et optimiser en conséquence la gestion du trafic urbain.

L'automatisation, les offres de mobilité multimodale et les systèmes d'information décentralisés sont autant de promesses censées contribuer à la révolution numérique des transports et à la protection du climat. Toutefois, pour exploiter pleinement le potentiel de la numérisation dans le contexte de la transition des transports, un cap politique et social clair est nécessaire.

Sources :

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